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Art et épidémie

Peinture et épidémie
peinture et épidémie
La pandémie mondiale qui nous touche depuis maintenant un an, a su, au delà des lésions qu’elle induit, provoquer de multiples réactions. Nous avons aussi bien assisté à des preuves flagrantes d’individualisme, qu’à de formidables élans de solidarité. La maladie touche tout le monde et tous sommes concernés et comme toujours, le monde de l’art n’est pas en reste. De nombreux artistes, notamment des peintres ont voulu représenter cette époque très particulière.
La maladie est une thématique souvent abordée, même si au fil des époques, elle ne sert pas toujours le même but, et représente différent aspects de nos afflictions, en fonction des préoccupations premières des populations touchées.
L’occasion pour nous de revenir sur quelques pièces maitresses de la peinture, et d’observer à travers elles le rapport particulier qui lie cette pratique artistique et la problématique épidémique.

La peste noire et le Triomphe de la Mort de Pieter Brueghel
Durant le milieu du XIVème siècle s’abat sur l’Europe un fléau d’une ampleur tel qu’il décimera, selon les estimations, entre un tiers et la moitié de la population de l’époque, c’est la Peste Noire.
Si le passé à évidemment connu des vagues épidémiques, notamment la peste d’Athènes au Vème siècle avant JC, jamais la maladie n’a prit une telle ampleur. Face à une médecine balbutiante se dresse une église toute puissante, et la représentation de la maladie se fait par le regard de la foi, elle prend la forme du châtiment divin. La mort se représente, omniprésente, au coté d’individus issus de tous les milieux, pratiquant la célèbre Danse Macabre que nous verrons représentée dans toute l’Europe, comme dans le cas de la façade de l’Aitre St Maclou à Rouen.
Mais d’un point de vue pictural, il faudra attendre plus de deux siècles, rythmés par les sursauts épidémiques, pour enfin avoir des représentations plus précises de l’ampleur du désastre.
C’est par exemple le cas de Pieter Brueghel l’Ancien, qui en 1562, signe l’œuvre intitulée Triomphe de la Mort.
Dans ce tableau, Brueghel met en scène diverses formes relatives à la mort, comme le combat, les exécutions ou encore le crime, mais surtout la maladie.
Au sein de cette œuvre, tous sont égaux, hommes comme animaux, rois comme mendiants, face à eux se dresse sur son cheval, faux à la main, la Mort, accompagnée de sa horde de squelettes. Ceux-ci, équipés de filets font office de pêcheurs d’âmes, ils récoltent ce que la cavalière vient de faucher.
Cette représentation s’inscrit directement dans le contexte du châtiment divin, elle est la réponse de Dieu aux égarements moraux de l’Homme, et présente les caractéristiques de l’Apocalypse chrétien afin d’expliquer un drame dépassant la compréhension de l’époque, et de servir de leçon aux générations futures.
La Peste selon Poussin
Après un peu moins d’un siècle de silence, la peste réapparait en Europe, particulièrement au Nord de l’Italie en 1630, faisant des ravages en Lombardie, décimant ainsi près d’un quart de la population de la ville de Milan.

Résidant depuis peu à Rome, Nicolas Poussin commence alors La Peste d’Asdod, dans laquelle l’artiste représente pêle-mêle des personnages agonisants, des cadavres d’enfants, ou encore des hordes de rongeurs envahissant les rues. Un tableau que l’on pourrait voir comme un témoignage de l’évènement qui secoue l’Italie et pourtant il s’agit la d’une représentation tirée de l’Ancien Testament.
Cette œuvre représente la destruction de la statue du dieu Dagôn ainsi que le fléau qui touche son peuple, les philistins, après qu’ils se soient emparés de l’Arche d’Alliance.
Malgré ce cadre antique, l’artiste profite de cette œuvre pour livrer des observations : les rues ressemblent à de véritables charniers et de façon instinctive, il insiste sur l’omniprésence des rongeurs, particulièrement des rats. Notons qu’il faudra attendre près de deux siècles pour que le lien entre les rats et la propagation du virus de la peste soit scientifiquement établit.
Poussin se base sur ses propres observations pour mettre en garde sur ces traits spécifiques de l’épidémie, l’œuvre n’est plus simplement un exemple de châtiment divin, mais représente également de façon détournée un compte rendu de la situation, ainsi qu’une forme d’avertissement face à des facteurs aggravants.
La Grippe Espagnole : de Schiele à Munch
Effectuons maintenant un saut de près de trois siècles, nous sommes en 1918. Le monde à bien changé, les principaux états européens sortent de ce que l’on nommera à posteriori la première guerre mondiale, la révolution industrielle à bouleversé les rapports au sein des sociétés et l’église à doucement perdue de son influence.
C’est dans ce contexte que survient la grippe dite Espagnole qui fera entre 20 et 100 millions de morts. La encore la maladie, particulièrement virulente, touche tout le monde, et nul n’est épargné.
La photographie, discipline encore récente, se charge d’ailleurs de rendre compte du drame qui se joue, à l’image de ces clichés présentant des hangars entiers reconvertis en hôpitaux.

De son coté, l’art pictural n’a plus grand chose à voir avec les toiles de Poussin, la thématique religieuse se fait plus rare, et l’approche même de la peinture à changée, c’est l’époque de Picasso et du cubisme, les prémices de l’Art Moderne.La peinture se réinvente face à la photographie et les thématiques changent avec une résurgence du travail introspectif, notamment avec l’autoportrait.
Mais la maladie touche aussi les peintres, apportant ainsi son lot d’histoires tragiques, à l’image de celle d’Egon Schiele. Le peintre, alors âgé de 28 ans, sera l’une des nombreuses victimes de la grippe, trois jours après le décès de sa compagne alors enceinte. Il laissera derrière lui une ultime toile inachevée, intitulée La Famille, dans laquelle il se représente accompagné de son ex-compagne, ainsi qu’avec un enfant, peut être ce même enfant qui ne naitra jamais.
D’autres s’en remettent et peuvent nous livrer des œuvres qui en témoignent, à l’instar d’Edvard Munch avec son autoportrait à la grippe espagnole, daté de 1919.
Nous l’avons vu, la représentation des épidémies dans la peinture n’est pas une pratique nouvelle, et cette thématique à largement influencée le déroulement de l’Histoire de cet art. Toutefois il est intéressant de noter que si la thématique reste effectivement la même, la façon de l’interpréter diffère autant que la forme. Passant d’un châtiment divin à une parabole observatrice, jusqu’au travail de l’autoportrait pour observer les effets de la maladie jusque dans sa propre chair.
2020
La pandémie que nous affrontons à l’aube du XXéme siècle présente des similitudes picturales avec les précédentes, et si le bouleversement des moyens de communication qu’à constitué l’avènement de l’air 2.0 ouvre au maximum le champ des références culturelles possibles, nous pouvons néanmoins retrouver des symboles qui perdurent au fil des siècles tels que la rupture sociale, le changement des moeurs, le port des masques et tenus de protection et l’inquiétude.
Nos artistes ne dérogeant pas à la règle, c’est Zaar qui nous livre son interprétation de la situation, au travers de son Tengu au sentiments ambivalents, il exprime cette contrainte volontaire qu’est se masquer, pour préserver son aspiration à la liberté. Une œuvre à découvrir ICI.
Ca me dit quelque chose !

Une fois n’est pas coutume, la rédaction vous propose une œuvre lié à la thématique, cette fois il s’agit d’une photographie par Maxime Anthony, que nous vous invitons à découvrir . LIEN
Creuser le sujet

Pour approfondir le sujet, nous vous conseillons de consulter ces quelques liens :
L’Instagram du Covid Art Museum, afin de vous faire une idée de la pluralité des œuvres produites pendant et après les phases de confinement. LIEN